RSE et définitions : posons les bases !
La Responsabilité Sociale/Sociétale des Entreprises (RSE) est généralement considérée comme « la traduction du Développement Durable appliqué aux entreprises ».
En fait, la RSE est un concept qui nous vient des Etats-Unis (Corporate Social Responsability). La RSE s’inspire alors des fondements philosophico-religieux du christianisme (protestant et catholique). Aujourd’hui, ce concept s’apparente à un véritable outil de gestion et d’anticipation du risque social, sociétal et environnemental.
A ce titre, l’ISO 26000 (novembre 2010), première norme internationale sur la RSE issue d’un consensus multipartites impliquant plus de 90 pays, donne une définition très large de la RSE : il s’agit de « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement ». La RSE devient alors la RSO c’est-à-dire la « Responsabilité Sociale / Sociétale des Organisations ».
De son côté, la Commission Européenne a fait évoluer sa propre définition de la RSE. En 2001, elle estimait que la RSE n’était que « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes » (Livre Vert 2001). Cependant, en 2011, la Commission renouvelle la définition de la RSE, laquelle est dorénavant envisagée comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société » (Communication 2011).
La France, un pays au cadre législatif pionner et évolutif !
Intéressons nous aux très récentes lois (entre 2016 et 2017) qui jalonnent dorénavant les contours de la RSE française.
La loi Sapin II – 9 décembre 2016
Elle renforce la lutte contre la corruption et exige de certaines entreprises de mettre en place des dispositifs de prévention de la corruption.
Ensuite, en 2013, le scandale du Rana Plaza (1127 morts dans l’effondrement d’un immeuble de 9 étages au Bangladesh qui abritait plusieurs usines de textiles travaillant pour le compte de marques européennes et françaises) conduit la France à voter une loi le 27 mars 2017, consacrant un devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre. Un nouvel article dans le Code de commerce (article L225-102-4) impose depuis aux Sociétés françaises, qui emploient sur deux exercices consécutifs au moins 5000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde (filiales incluses), d’établir un plan de vigilance comprenant les mesures propres à identifier les risques et à prévenir « les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement ».
La déclaration de performance extra-financière
Le 19 juillet 2017 a été adoptée une ordonnance – suivi d’un décret d’application le 09/08/2017 – relative à la publication d’informations non financières par certaines grandes entreprises et groupes d’entreprises.
Cette ordonnance transpose avec retard la Directive européenne de 2014 sur le reporting extra-financier. Elle remplace « le rapport RSE » par la « Déclaration de performance extra-financière ». Cette Déclaration doit être incluse dans le rapport de gestion annuel de certaines sociétés non cotées et cotées (plus de 500 salariés avec un total de bilan dépassant les 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros).
Ces entreprises doivent définir par elles-mêmes les principaux risques sociaux, sociétaux et environnementaux impactant leurs activités et expliquer les politiques mises en place pour y répondre ainsi que présenter les résultats de ces politiques avec des indicateurs clés. Dans l’hypothèse où aucune politique n’est appliquée, ces entreprises doivent expliquer pourquoi (cf. Principe comply or explain).
Désormais, si ces entreprises visées par les lois et ordonnances de 2017 ne respectent pas leur devoir de vigilance ou l’obligation de communiquer la « Déclaration extra-financière », tout intéressé pourra mettre en demeure l’entreprise de le faire et, à défaut, saisir le Juge des référés pour une injonction de faire sous astreinte si nécessaire. La juridiction saisie pourra encore ordonner la publication de la décision.
Le PACTE pour aller plus loin ?
La France voulant être « à la pointe de la redéfinition du capitalisme européen » (Cf. Libération du 10/04/2018), notre Ministre de l’Economie et des Finances prolonge en 2018 les réflexions en matière RSE avec le Projet dit le PACTE (plan d’actions pour la croissance et la transformation des entreprises). Dans ce projet de loi, Monsieur Le Maire entend réformer le Droit des sociétés et en particulier la définition juridique historique de la « société » (article 1832 et s. du Code Civil) pour y intégrer le rôle social, sociétal et environnemental que l’entreprise joue. C’est la «raison d’être» de l’entreprise -laquelle n’est plus limitée au partage du bénéfice ou de l’économie – qui devrait en être modifiée.
Ainsi l’on voit qu’aujourd’hui la RSE réinterroge l’entreprise au sein de la Société. Elle cherche à en redéfinir la place, nature, légitimité, rôle et responsabilité, en tant qu’acteur majeur de la Société.
La RSE, inutile pour les PME ? Illustration par une « Causerie RSE ».
Dès lors, dans l’environnement législatif actuel, quelle est la place de la RSE pour une PME ou une TPE, à l’égard desquelles le Droit reste incitatif?
L’entreprise ne doit-elle y voir qu’une source de contraintes supplémentaires, en termes de temps et d’argent, sans qu’il en résulte un quelconque bénéfice ? Doit-elle alors faire « la sourde oreille » et attendre que le législateur l’y oblige ? Ou, au contraire, doit-elle « affronter sa RSE » dès à présent ?
Afin de démythifier la RSE et de démontrer l’intérêt réel pour une PME ou TPE de s’engager dans une telle démarche, nous avons organisé (ISEMA et les Etudiants de 1ère Année), en partenariat avec le Label Lucie une « Causerie RSE », le 16 mars dernier.
Cas pratique : Le Coq noir
Dans le but « d’avoir du concret », la Société Le COQ NOIR, entreprise partenaire d’ISEMA et engagée dans une démarche socialement responsable, est venue témoigner des actions mises en place : produits 100% naturels, déploiement d’un management collaboratif et participatif, intégration en CDI des personnes éloignées de l’emploi, recyclage des déchets, construction d’une station phyto-épuration, etc. Grâce à l’ensemble de ces initiatives, la PME d’une vingtaine de salariés est fière de pouvoir afficher un turn over à zéro et compter sur la fidélité de l’ensemble de ses salariés.
Cette Causerie s’inscrit dans une démarche globale RSE de l’Ecole, déployée depuis plus d’un an, et impliquant directement les étudiants de 1ère année. Ce sont eux, en effet, qui portent par groupes le projet RSE de l’Ecole et posent petit-petit les premières pierres RSE dans le respect de la Roue de Deming.
Les apports de cette Causerie RSE pour les entreprises
Une fois passée la « peur du changement », la mise en place d’une démarche RSE, si elle est faite de manière sérieuse et sincère, permettra à l’entreprise de faire un état des lieux de l’impact de ses activités, d’identifier les valeurs et les actions qu’elle respecte déjà sans pour autant les avoir qualifiées de « RSE ».
La RSE exige effectivement de la structure « une mise à plat » de ce qui va et de ce qui ne va pas dans son mode de fonctionnement et de production.
- Ce sera l’occasion de renforcer son leadership auprès de ses parties prenantes internes en permettant aux salariés de s’exprimer sur leurs attentes dans un autre cadre et, auprès de ses parties prenantes externes, en se faisant identifier différemment.
- Sous la condition que l’entreprise accepte de lever les tabous, « parler RSE » permet fréquemment de sortir de certaines impasses organisationnelles, de mauvaises ambiances de travail et de recréer un dynamisme. La RSE peut conduire l’entreprise à se redéployer autrement, dans l’investissement de nouveaux produits et services, par exemple.
- Ce type de process exigera encore que l’entreprise apprenne à mieux maitriser ses risques juridiques en matière environnementale, sociale et sociétale.
Traiter les questions fondamentales
Au-delà de l’ensemble de ces mesures concrètes, il s’agit pour la PME ou TPE de se poser des questions fondamentales que peu de chefs d’entreprise osent, souvent par manque de temps : Pourquoi j’ai créé cette entreprise ? Qu’est-ce que je veux apporter aux autres ? Quelle est ma place au sein de la Société ?
C’est au final cette réflexion globale sur son entreprise qui est la plus intéressante et qui peut conduire à l’innovation, à la créativité. Bref, à changer de paradigme : vers un management partenarial et participatif ? Un dialogue social transversal ? Un contrôle renforcé de son réseau ?
La RSE offre dès lors une très belle opportunité de se renouveler ; d’autant que la Région PACA, avec le dispositif CEDRE et le parcours de performant et responsable, met à la disposition des entreprises locales un chèque ainsi que divers outils pédagogiques et conseils pour s’engager dans la RSE.
Alors, pourquoi attendre ?
Céline ETRE
Titulaire d’un Doctorat en Droit sur la RSE, elle a exercé à Paris comme Chargée mission RSE auprès de l’ONG SHERPA. Ayant pris soin de développer cette expertise, elle la met actuellement au service de l’Ecole qui s’est engagée depuis plus d’un an dans une démarche globale de responsabilité sociétale.
Depuis 2012, elle est diplômée du CAPA (Capacité d’Aptitude à la Profession d’Avocat) auprès Barreau de Paris, et s’est spécialisée en Droit des affaires en Cabinet d’Avocat.
Enseignante, elle a acquis une expérience depuis près de 15 ans comme formatrice en Droit dans différentes matières et filières et, depuis l’obtention de sa thèse, en RSE.