M.Loïc Lafon nous parle Innovation
J’ai accompagné, en diverses occasions, des créateurs d’entreprise ou des élèves en mode projet création produit. Je suis en général considéré comme un référent technologique en process agroalimentaires du fait de mon expérience et de ma curiosité pour le monde des machines.
souvenir et actualité d’un cas d’école
Et j’ai en tête un projet mené par une équipe d’étudiants qui commençait mal : un produit très technique en cuisine, très compliqué à réaliser, difficilement transposable industriellement et dont on ne comprenait pas, à part la joie de réussir un exploit technique en cuisine moléculaire, à quoi il servait. Un an après, j’ai revu les étudiants, ils s’apprêtent à céder leur projet et l’évolution du produit est telle qu’une PME s’intéresse assez au produit pour envisager de le produire ! Bien sûr le produit a changé, il a évolué de belle manière pour représenter une opportunité de marché et il offre une réelle valeur ajoutée pour ses clients.
L’innovation est polymorphe
De mon expérience, l’innovation prend souvent des voies assez peu directes, ou plutôt assez peu visibles au début du projet. Un tel qui faisait des plats cuisinés, vend maintenant des épices africaines en complément de gamme, tel autre qui faisait des produits sans gluten, a fini par s’apercevoir que le marché était minuscule et fait maintenant des quiches et mini pizzas avec son outil industriel, etc..
Gardez l’esprit ouvert !
En fait lors des premiers briefs que l’on fait sur le produit ou sur l’idée de produit, on superpose toujours un nombre de contraintes trop important. Ces contraintes, censées aider à définir un cahier des charges fonctionnel du produit aboutissent rapidement à des impossibilités, des impasses. Ce pourra être un prix trop élevé, une impossibilité de trouver la machine, de définir une DLC suffisamment longue, de fabriquer le produit avec une série économique sérieuse….
À contrario, quand on a pris conscience que certaines contraintes relèvent de l’imaginaire et de ce que l’on interprète du consommateur, des verrous sautent, des possibilités apparaissent et des produits peuvent se créer. De plus, on peut capitaliser sur le travail réalisé pour démontrer l’impossibilité du produit précédent : ça va plus vite !
Exemple : un produit Bio, pas cher, sans traitement thermique et avec une DLC longue… Qui relève le défi ? (moi, j’ai bien des solutions, mais je suis plutôt un créatif ! )
Moralité
Une bonne leçon de ces expériences est que trop de contraintes tue l’idée. Une autre leçon est que si on ne met pas trop de contraintes, on ne peut pas s‘apercevoir qu’il y en a trop et donc il faut en mettre trop au départ (tout le monde suit ?). Une question à ce moment-là émerge : et si avec trop de contraintes on y arrive quand même ? Félicitations ! Vous avez un produit vraiment innovant que vos concurrents mettront longtemps à essayer de reproduire ! Une autre question ? Et si, dès le début on ne met pas assez de contraintes ? Ben, ça va être dur de voir où on va et de ne pas reproduire des produits archi banaux…
En résumé, l’écriture et la prise de conscience des contraintes dans un projet constituent une clé du succès, ou pas, de la création d’un produit alimentaire. De la gestion de projet classique somme toute !
Par Loïc LAFON,
Après un diplôme d’ingénieur en Agroalimentaire, loïc LAFON a poursuivi une carrière industrielle dans ce secteur, durant 25 ans. Il enseigne à l’ISARA et à l’ISEMA en parallèle de la gérance de son cabinet conseil en Création de Projets en Agroalimentaire. Il accompagne les entreprises et les étudiants dans les stratégies industrielles et technologiques de la création de produits agroalimentaires.